Le leadership tranquille : comment ralentir pour mieux performer.
Et si ralentir nous permettait de mieux performer ?
Dans l’imaginaire collectif, l’entrepreneuriat va de pair avec l’agitation. On entretient la fausse croyance selon laquelle aller plus vite signifie aller plus loin. Lorsqu’on devient un leader en entreprise, on entre dans une course sans fin contre la monte. On vise la performance à tout prix et, pour y arriver, on augmente sans cesse notre charge de travail. On croit à tort que pour être un chef performant, on doit décider vite, courir entre deux rencontres, remplir notre agenda à ras bord, maximiser chaque minute de la semaine. Pas une seconde à perdre ! On se consacre entièrement à notre vie professionnelle aux dépens de notre vie personnelle.
Après quelques années de ce régime, on commence à comprendre qu’on doit ralentir pour trouver un équilibre de vie plus sain. Mais, pris dans le tourbillon du monde des affaires, l’idée d’un ralentissement semble plus de l’ordre du fantasme que de la réalité. On ne peut se permettre de diminuer notre productivité !
Et si c’était le contraire ? Si ralentir nous permettait d’avoir plus de temps, de leadership et de performance ?
Chez Fauve, nous croyons qu’un meilleur humain fait un meilleur leader. Au printemps 2023, nous avons eu la chance d’assister à une conférence de Rémi Tremblay portant sur le thème du leadership tranquille. Cofondateur de la Maison des leaders et entrepreneur aguerri, Rémi aborde avec humilité l’importance du ralentissement, de la présence et, étonnamment, de l’amour en entreprise.
Nous avons fait des rencontres inspirantes lors de cet événement. Mais surtout, nous nous sommes rencontrés nous-mêmes. Le temps de quelques minutes, nous avons entrevu notre lac tranquille — charmante image de Rémi ! — et nous avons compris comment la tranquillité peut être un outil de gestion incroyable. Ce livre blanc est rédigé d’après cette philosophie.
Bonne lecture et, surtout, bonne tranquillité.
– L’équipe Fauve.
Qu’est-ce que le leadership tranquille ?
Le concept de leadership tranquille a été introduit par Peter Drucker, théoricien du management considéré comme l’un des pionniers de la gestion moderne. Dans son livre « The Effective Executive » publié en 1966 et qui demeure aujourd’hui une référence en gestion d’entreprise, il évoque l’idée selon laquelle les meilleurs dirigeants sont ceux qui travaillent dans la sérénité et la discrétion, plutôt que dans l’agitation et le bruit.
Ce concept a été popularisé dans les années 1990 par le sociologue John P. Kotter. Dans son livre « Leading Change », il expose les avantages d’un leadership calme et réfléchi pour gérer les changements organisationnels complexes.
Ainsi, le leadership tranquille se fonde sur le calme et la bienveillance, contrairement au leadership autoritaire qui repose plutôt sur le principe de dominance. Les leaders tranquilles inspirent la confiance et suscitent l’adhésion des autres, sans imposer leurs idées et sans chercher la reconnaissance. Dans une position d’écoute active, ils cherchent à instaurer un climat de sécurité et de respect mutuel.
Définition de Tranquillité, nom commun féminin
1. État de ce qui est calme, sans agitation.
2. État de quelqu’un qui est sans inquiétude, qui n’est pas dérangé.
3. Calme qui règne dans un lieu, à un moment particulier ; absence de bruit, d’agitation.
Synonymes : calme, paix, quiétude, sérénité, harmonie
Antonymes : agilité, affolement, anxiété, désordre, troubles
Qu’est-ce que la tranquillité ?
Dans un contexte de leadership en entreprise, la tranquillité est un état d’esprit qui permet de demeurer calme et réfléchi en son intérieur, peu importe la situation extérieure.
La tranquillité s’explique mieux en nommant ce qu’elle n’est pas : l’agitation, les pensées en désordre, le trouble mental. La tranquillité serait donc l’absence d’agitation. Ainsi, il ne s’agit pas simplement de ralentir le rythme, mais d’accéder à un espace de tranquillité mentale.
Agir au lieu de réagir.
Au fil du temps et des expériences vécues, le cerveau développe des mécanismes de réaction face à diverses situations. Ces réactions automatiques ne sont pas issues d’une réflexion ; elles se situent plutôt au niveau du subconscient. Pour agir intelligemment au lieu de réagir spontanément, on doit saisir le court instant entre le stimulus et la réponse. Cet arrêt permet de réfléchir, dans un état de tranquillité, pour répondre avec objectivité au lieu de réagir avec émotivité en fonction d’un réflexe. C’est ainsi qu’on peut faire quelque chose qu’on n’a jamais fait afin d’obtenir un résultat différent.
Dans le feu de l’action, le leader hyperactif pense souvent qu’il agit, mais en réalité, il réagit. S’il ne prend pas le temps de se poser et de réfléchir avec tranquillité, il répète sans cesse la même action. Ce faisant, il s’enferme dans le personnage qu’il s’est créé avec le temps et se limite à toutes les autres solutions qui pourraient donner des résultats beaucoup plus constructifs. Dans les contextes de gestion complexes d’aujourd’hui, l’ouverture d’esprit est primordiale et cette réflexion est impossible dans un état constant d’agilité.
« Quand quelqu’un me demande ce que je fais dans la vie, je leur dis : j’écoute et je réponds. Sinon, je ne fais que réagir à tout ce qui se passe autour de moi. »
– Rémi Tremblay, Maison des leaders
Le lac tranquille intérieur
Dans ses conférences sur le leadership tranquille, Rémi Tremblay revient souvent à l’image du lac tranquille intérieur. D’ailleurs, le mot tranquillité trouve sa racine dans le latin, tranquillitas, qui signifie le calme de la mer, du vent.
Selon lui, chaque personne possède cet espace de calme à l’intérieur de lui. Y avoir accès facilement demande une grande pratique. Et ce n’est jamais acquis ; il faut en prendre conscience et y revenir plusieurs fois par jour. L’objectif est de parvenir à l’atteindre pour s’y ressourcer dans la tranquillité lorsque l’agitation se fait sentir, que ce soit pour quelques heures ou quelques secondes.
Le concept du temps vertical
Le ralentissement n’est pas une perte de temps. Voilà une idée très contre-intuitive pour tous les leaders qui fonctionnent à cent mille à l’heure. Ils sont pressés, mais où vont-ils ?
Il y a deux façons de diriger une entreprise :
1. Avancer les yeux rivés sur la ligne d’arrivée et, si le temps le permet, s’occuper des employés et des clients ;
2. S’occuper des employés et des clients et avancer sans presse, en prenant le temps de bien faire les choses.
Le temps est relatif pour chaque personne, selon l’expérience que l’on en fait. Ainsi, c’est notre rapport au temps qu’il faut revoir : ce n’est pas seulement un phénomène linéaire. En ralentissant, on est davantage dans le moment présent et le temps prend de l’expansion. C’est le concept du temps vertical.
La meilleure façon de s’en convaincre est d’en faire l’expérience. Lorsqu’on s’accorde le droit de ralentir, de réfléchir, d’être dans le moment présent, le temps commence à prendre une autre signification. En effet, c’est en arrêtant d’aller quelque part que l’on va le plus loin.
Imaginez l’aventure de l’entreprise, si on était vraiment présent pour vivre la vivre!
Comment être plus tranquille ?
Osons se rencontrer.
La prise de conscience
La première étape pour arriver à être tranquille est de reconnaitre que l’on est agité. Une personne commence à évoluer sur le plan psychologique lorsqu’elle devient à la fois l’observatrice et l’observée. Elle doit d’abord être capable de s’observer avec objectivité et prendre conscience de son état d’agitation.
Ce n’est pas comment, c’est pourquoi.
Les façons de ralentir ne sont un mystère pour personne — prendre des pauses, apprivoiser le silence, se ressourcer en nature, pratiquer le yoga, partir en voyage, etc.
La vraie question à se poser n’est pas Comment fait-on pour ralentir ?, mais plutôt Pourquoi est-ce qu’on ne ralentit pas ?
L’agitation est symptomatique. Pour la traiter, il faut en reconnaitre la cause. Qu’est-ce qui nous garde sur le pilote automatique ? Pourquoi est-ce que l’idée de ralentir nous apparait impossible ? En général, ce n’est pas que l’on ne peut pas ralentir, c’est qu’on ne veut pas.
Plusieurs raisons peuvent expliquer pourquoi une personne ne veut pas ralentir, les principales étant la peur de se rencontrer et les fausses croyances.
• La peur
Ralentir, c’est inévitablement aller à sa rencontre. Est-on prêt à quitter son confort et ses certitudes pour se rencontrer réellement ? Il peut être très éprouvant, surtout au début, de prendre conscience de ses côtés sombres, mais aussi de ses côtés lumineux. La majorité des gens demeurent dans l’agitation, car c’est un état qui empêche les réflexions profondes. L’humain tend à la facilité et atteindre la tranquillité est un travail long et difficile. Il faut d’abord avoir le courage de rencontrer sa vraie personne.
• Les fausses croyances
L’excuse la plus répandue pour éviter de ralentir est le manque de temps. Or, c’est une fausse excuse. En accordant trop de temps aux choses qui importent peu, on manque de temps pour celles qui importent vraiment, comme vivre dans la tranquillité. Les gens ont beaucoup attentes envers les leaders, mais ces attentes ne doivent pas nécessairement être toutes rencontrées. C’est un non-sens de répondre constamment aux besoins des autres sans jamais répondre aux siens. L’agitation que l’on s’inflige est souvent causée par un besoin d’approbation : on veut plaire, gagner, performer pour se valoriser, car on croit que c’est nécessaire pour se faire aimer.
Un meilleur humain fait un meilleur leader.
Qu’est-ce que l’amour a à voir avec le leadership en entreprise ? Tout.
Aucun livre de gestion ne l’enseigne, mais la seule chose qui transforme réellement les gens, c’est l’amour. On parle ici d’un amour inconditionnel, désintéressé et sans attentes, c’est-à-dire sans l’envie de changer l’autre ou de l’influencer. Ce sont les gens qui nous aiment qui ont le plus grand impact dans notre vie, et non ceux qui tentent de nous changer.
Pour arriver à aimer réellement, il faut être dans un état de tranquillité. Quand on est agité, on n’est pas dans l’amour, car l’agitation vient de la posture de survie.
Les postures de vie et de survie
En venant au monde, l’humain est dans un état de vie : il évolue insouciamment dans un ensemble qui répond à tous ses besoins, la cellule familiale, sans prendre conscience de son individualité. En vieillissant, il prend conscience qu’il y a lui et les autres, et qu’il doit faire en sorte d’être aimé pour se sentir en sécurité. Il doit obéir, performer, obtenir des diplômes, etc. En opposition avec les autres, il bascule alors en posture de survie, de façon inconsciente ou non. L’amour qu’il porte aux autres est pour obtenir de l’amour, de l’approbation, de la valorisation et de la sécurité en retour.
Très peu de gens rebasculent à nouveau dans une posture de vie, là où se trouve la réelle tranquillité. C’est seulement en quittant le mode survie que l’on se détache du besoin d’être aimé (qui nous place en opposition avec les autres) pour laisser la vie se faire et aimer, tout simplement.
Posture de survie :
Vivre séparé des autres, en opposition. Aimer pour être aimé en retour. C’est un amour utilitaire.
Posture de vie :
Vivre dans une philosophie d’ensemble. Aimer les autres de façon désintéressée. C’est un amour inconditionnel.
Qu’est-ce que l’amour inconditionnel en gestion entreprise ?
Le concept d’amour inconditionnel est mal compris. C’est pourquoi il est souvent mal perçu, surtout dans un contexte d’entreprise.
L’amour se ressent. Il ne s’agit pas de dire à nos collègues et à nos clients qu’on les aime, mais de les aimer tout simplement. On a parfois le besoin de le dire, car on veut influencer les personnes à qui on le dit. Or, vouloir changer quelqu’un est un manque d’amour. Le plus difficile à faire en tant que leader est de faire fondre en soi tout désir de vouloir influencer qui que ce soit.
C’est contre-intuitif lorsque l’on occupe un rôle de dirigeant. Pourtant, c’est fondamental de ne pas chercher à changer l’autre. Lorsque l’on dit Il faut que tu changes, la personne entend Si je ne change pas, il ne m’aimera plus, il va me congédier. En l’accompagnant dans ses difficultés avec un amour bienveillant, elle sera beaucoup plus encline à changer son comportement, surtout si l’on instaure un climat de confiance sans jugement.
Une des raisons pour lesquelles on ne parle pas beaucoup de l’amour en entreprise, c’est parce qu’aimer est difficile. Parvenir à rester tranquille, indifférent, lorsqu’une personne nous irrite demande un grand niveau de contrôle de soi. En arriver à l’aimer malgré cela, c’est encore plus difficile ! La clé est la pratique. Comme dans toute nouvelle discipline, aimer devient plus facile avec le temps.
Est-ce utopique de vouloir aimer tout le monde ?
Pour aimer les autres de façon désintéressée, il faut d’abord s’aimer soi-même. En principe, on devrait être indifférent des défauts des autres. Ce qui nous dérange chez l’autre résonne avec un aspect de nous qui n’est pas réconcilié. Lorsqu’une personne nous heurte, on préfère la blâmer plutôt qu’aller à la rencontre de notre propre blessure.
Ainsi, il faut voir l’irritation que l’on ressent comme une occasion de nous réconcilier avec nous-mêmes. C’est en réfléchissant à la raison de cette irritation que l’on peut en régler la cause et, par conséquent, mieux aimer les personnes semblables qui croiseront notre parcours.
La question n’est donc pas de savoir s’il est possible d’aimer tout le monde, mais plutôt s’il est possible de tout réconcilier en soi. C’est un bel idéal vers lequel tous les leaders devraient tendre. Vivre dans l’amour inconditionnel est un énorme changement, mais c’est un chemin de vie exceptionnel.
L’importance de la présence
La présence est synonyme d’amour inconditionnel. En entreprise, il est plus facile de parler de l’importance de la présence que de parler d’amour. Pourtant, manquer de présence, c’est manquer d’amour.
En contexte de pénurie de main-d’œuvre, qui exerce une grande pression sur toutes les sphères de l’entreprise, la présence fait une énorme différence. Les équipes de travail doivent sentir la présence de leur leader et, par extension, son amour.
Au-delà de la présence physique, c’est la présence mentale qui importe. On peut très bien se trouver devant une personne, mais être très loin d’elle, en train de réfléchir à autre chose. L’écoute active nous permet d’être dans le moment présent. Les échanges véritables et l’ouverture à l’autre permettent d’accéder à une intelligence collective bien supérieure à la nôtre. Ainsi, on ne vit plus séparément, mais à l’intérieur d’un ensemble plus grand que nous.
Comment allier performance et tranquillité ?
La performance est un résultat, ce n’est pas l’objectif.
L’objectif est la tranquillité, la présence, l’amour.
La vraie mission de l’entreprise est de servir ses clients. Si l’on aime réellement nos clients, qu’on les sert avec honnêteté et transparence et qu’au moment de le faire, notre attention est mise entièrement à bien faire ce que l’on fait, les résultats suivront. Lorsque la performance n’est pas au rendez-vous, c’est souvent parce qu’il y a eu un manque de présence.
« La performance, je trouve cela formidable. Et quand il n’y en a pas, c’est formidable aussi. Ça s’appelle la vie ! Parfois, la vie invite un écosystème à la décroissance, et tout va bien. Le problème est qu’on croit que l’on doit croître à tout prix. On est tellement dans une posture de survie, qu’on anime nos entreprises avec une posture de survie. »
– Rémi Tremblay, Maison des leaders
Le rôle du leader : aimer
La tranquillité attire la tranquillité.
L’humain apprend par mimétisme ; le leader n’a pas à commander. Sa tâche la plus importante est d’aimer. Sa mission est de créer des lieux d’accueil où les gens se sentent aimés. Beaucoup de gens souffrent de toujours se sentir inadéquats et utilisés. S’ils se sentent aimés inconditionnellement, c’est-à-dire sans jugement, ils voudront être ensemble, pour avoir du plaisir et évoluer. Les équipes qui s’aiment sont toujours les plus performantes.
Une personne agitée agite les autres autour d’elle. C’est le même principe pour la tranquillité : un gestionnaire tranquille a des équipes de travail plus posées et réfléchies.
Lorsqu’une personne a une ascendance sur un groupe, elle a le devoir de favoriser le bien-être des individus de ce groupe. Se rencontrer soi-même pour parvenir à la tranquillité devient donc essentiel au rôle de leader. C’est la seule façon d’offrir la chose la plus importante que l’on peut offrir comme leader ; l’amour.
« On a séparé la vie de famille et celle du travail pour ne pas souffrir, et aujourd’hui, c’est ce qui nous fait souffrir. Présentement, les gens les plus importants pour moi, c’est vous qui êtes devant moi. Il n’y a aucune différence entre l’humain que je suis au travail et dans la vie. »
– Rémi Tremblay, Maison des leaders
Êtes-vous prêt à vous rencontrer ?
Le rôle du leader requiert avant tout d’excellentes aptitudes relationnelles. Dans les contextes de gestion complexes d’aujourd’hui, il doit développer sa capacité à attirer, rassembler, inspirer et motiver ses équipes de travail. Sa mission est d’accueillir les personnes où elles se situent et les aider à s’élever en leur offrant des espaces ouverts, sans jugement, aimants. Mais, avant d’aller à la rencontre de l’autre, il faut d’abord aller à sa propre rencontre. C’est la seule voie vers la tranquillité.
Parvenir à la tranquillité est un long chemin qui débute par la prise de conscience de son agitation. Arrêtez la course quelque temps. Faites taire les bruits. Réfléchissez à la vraie raison pour laquelle vous choisissez de ne pas ralentir. Surpassez les premiers moments d’inconfort qui surviendront. Prenez conscience de votre lac tranquille à l’intérieur de vous. Commencez à faire les choses autrement et vous verrez des résultats différents.
Osez aller à la rencontre de l’humain que vous êtes. Vous en ressortirez une personne plus tranquille, plus calme, plus réfléchie et, par conséquent, un meilleur leader.